Dans les ateliers de
l’Opéra du Rhin par FQ
Parfois
de mon balcon, je vois… tout autre chose que ce que je vois. Le cerveau est un
mystère. Un grand infidèle, un traducteur interprète mais qui peut faire béquille
quand vous perdez pied. Ce que l’on voit, ce que l’on croit comprendre, ce
qu’il nous plaît de voir ou de comprendre, tout cela et bien d’autres choses,
sont parfois mirages. Il faut du temps, de la patience et de la modestie. Tout
dépend du balcon sur lequel je suis au moment où je vois ce que je vois. Voir
c’est aussi sentir, ressentir, imaginer, croire, lire, aimer. Cette liste n’est
pas exhaustive, ne peut pas l’être. Elle lutte contre le néant. Elle peut se
poursuivre d’une autre manière, qui est rarement la mienne, mais parfois, voir
c’est aussi déprimer, ne plus rien sentir, ne plus rien ressentir, perdre le
goût et les saveurs, ne plus imaginer, ne plus croire, ne plus lire non plus,
ne plus aimer étant la pire des choses qui peut nous arriver. Le jour où on
n’aime plus regarder les nuages est un triste jour…
Voir
est ce chemin qui use nos souliers mais pas que, mais pas seulement. J’aime
bien cette usure, alliée du temps, qu’il nous faut apprendre en cheminant :
être de plain-pied avec le monde environnant. « Délices de la forêt
ensommeillée à l’aube. Depuis une heure, je marche au milieu de la mousse, des
fougères, d’un humus tendre et accueillant. Je côtoie de grandes feuilles où
perle la rosée, des toiles d’araignées tout embuées d’aurore et sur le sol,
j’évite des couples de limaces, agglutinées en une étreinte interminable dans
un grand mucus de bave violette. Tout au long du sentier traversant cette
forêt, je rencontrerai ces couples enlacés, fondus, soudés par la glu de
l’amour, aveugles et sourds, lovés l’un en l’autre en des spirales insécables.
J’ai essayé – non sans quelque vergogne, je l’avoue – de séparer un de ces
couples. De telles étreintes m’intriguaient. Mais mes doigts glissèrent sur la
bave violette, les corps gluants qui se rétractèrent un instant, comme si mon
intervention les avait soudés plus encore l’un à l’autre. Les limaces, comme
les escargots, sont des mollusques hermaphrodites. Chacun d’eux possède donc
des ovaires et des testicules. Mais il ne peut se féconder lui-même. Cette
solution – faire l’amour avec soi-même – la nature semble l’avoir réprouvée, épargnant
ainsi aux limaces et aux escargots les désarrois du couple solitaire. » (Jacques
Lacarrière : Chemin faisant… Fayard,
1977)
Zone de rencontre
par FQ
Je
n’ai plus peur de la mort. On vit mieux dès que cette mordante conscience du
futur s’échappe de vous. Regarder tout de même l’horizon ou le bout du chemin :
voir les choses telles que nous les voyons sans nous occuper de celles qui
demeureront cachées ou que nous apercevrons parfois, par d’autres fenêtres,
d’autres croisillons, d’autres balcons. Parfois... Parfois, on se perd aussi.
On croit voir, sentir, ressentir, imaginer, croire, lire ou aimer. Et ce
sentier ne mène nulle part. Et vous étiez habitant, résident permanent de ce
sentier… C’est l’exil en permanence qui guide nos pas. « Seul est mien le
pays en mon âme » écrivait Chagall. De son balcon nomade, il voyait des
vaches bleues et des amoureux dans le ciel. Ils y étaient vraiment dans le
ciel. Je suis certain qu’il les voyait. Je me souviens du sentier de Nietzche à
Èze, où il a senti, ressenti, imaginé, cru, lu et aimé puis écrit son pastiche
de la Bible, son Zarathoustra. Me souviens aussi de cette maison dans Èze où
habitait le grand écrivain qui a ridiculisé tous les codes du monde littéraire
et leurs chemins perdus à jouer à ceux qui voient, sentent, ressentent, imaginent,
croient, lisent ou aiment... Notre chemin est une piste de danse, celle de
notre regard. Il faut du temps pour apprendre la joie et la danse… chères à Nietzsche…
Les Europhonies à
Strasbourg en septembre par FQ
Silence
Franck Queyraud
Vase
communicant avec Flânerie quotidienne
Les vases communicants ?
Tiers Livre et Scriptopolis sont à
l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois,
chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les
mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire
des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Beau
programme qui a démarré un 3 juillet entre les deux sites, ainsi qu’entre
Liminaire de Pierre Ménard et Fenêtres / open space d’Anne Savelli.
Si vous êtes tentés
par l’aventure, faites le savoir ici.
Bonnes lectures
2 commentaires:
"C'est l'exil en permanence qui guide nos pas."
Et belle évocation de Chagall et de Nietzsche.
Splendides ces textes que tu nous proposes ! Grand merci de nous permettre de les découvrir !
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